Au printemps 1940, David Cender et sa famille sont chassés par les Allemands de leur résidence de Lodz, en Pologne, et transférés dans un ghetto. Ils ont laissé derrière eux presque tous leurs biens...
En 1928, David Cender, violoniste et musicien juif de Lodz, en Pologne, acquiert le tableau Le Père, de Marc Chagall, auprès du célèbre marchand d'art Abe Gutnajer à Varsovie.
En 1940, David et sa famille ont été brusquement chassés de leur résidence par les Allemands et transférés dans le ghetto de Lodz. David ayant été contraint d'abandonner rapidement sa maison, a dû laisser le tableau derrière lui et sa maison fut pillée peu après.
David a survécu à la guerre, mais sa femme et sa fille n'ont pas eu cette chance. David n'a jamais revu le tableau.
David Cender
Musée d'art et d'histoire du Judaïsme, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
Le redécouverte du Père
En octobre 2020, Mondex a découvert Le Père au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme (MAHJ) à Paris. La façon dont le tableau s'est retrouvé dans ce musée est une histoire fascinante.
Chagall avait peint cette œuvre, qui représente son père, au début de sa carrière, en 1911, alors qu'il venait de quitter la Russie pour s'installer à Paris. Abe Gutnajer a découvert le tableau lors de l'un de ses nombreux voyages dans les villes européennes et l'a acheté en 1928 ou peut-être plus tôt, afin d'élargir l'inventaire de sa galerie.
Néanmoins, le tableau est revenu à Paris. On ne sait pas où se trouvait Le Père entre 1940 et 1953. Toutefois, en 1953, le tableau a été prêté par Chagall lui-même pour une exposition à Turin, en Italie.
Les recherches montrent que Chagall a régulièrement racheté ses propres œuvres d'art sur le marché de l'art, en particulier ses œuvres de jeunesse. Un grand nombre de ces acquisitions ont fini par se retrouver dans la succession de Chagall, qu'il a laissée à ses héritiers après sa mort en 1985. Le Père faisait partie de cette succession et, comme presque toutes les autres œuvres de Chagall, il a été donné à l'État français. Le Père s'est retrouvé au Musée national d'Art moderne (MNAM), à Paris, qui l'a ensuite prêté au MAHJ.
Les circonstances précises dans lesquelles Chagall a récupéré la peinture spoliée sont incertaines. Cependant, l'intérêt de Chagall pour la réappropriation de son propre art explique comment ce tableau, réalisé à l'origine à Paris, est revenu dans cette ville.
Peu après avoir découvert le tableau au MAHJ avec l'aide de son avocate Me Melina Wolman de Pinsent Masons, Mondex a demandé au MNAM de restituer l'œuvre d'art. Le tableau se trouvant dans un musée d'État, Mondex a travaillé en étroite collaboration avec le Ministère de la Culture français et son équipe juridique française pour organiser la restitution. L'approche du ministère à l'égard de cette réclamation a été objective et transparente, avec une forte volonté de résoudre les problèmes liés aux œuvres d'art spoliées figurant dans les collections de l'État.
Grâce aux recherches approfondies menées par Mondex et aux arguments juridiques de son équipe française, le ministère français de la culture, en accord avec le MNAM, a accepté de restituer le tableau à la fin de l'année 2021. Cependant, en France, la décision du ministère n'est pas suffisante pour permettre l'aliénabilité d'un tableau de la collection de l'État. L'aliénabilité n'était possible que par l'introduction d'une loi de restitution spécifique pour le tableau. Heureusement, cette loi a été introduite rapidement et a été approuvée à l'unanimité d'abord par l'assemblée nationale française, puis par le Sénat français.
Cérémonie de restitution
La restitution de ce tableau de Chagall était un événement extraordinaire. Le Ministère de la Culture français, en collaboration avec le MNAM, a reconnu l'importance de ce résultat le 1er avril 2022, lors d'une cérémonie de restitution qui s'est tenue au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme (MAHJ) à Paris. Invités d'honneur de la cérémonie, les membres de la famille de David Cender ont enfin retrouvé Le Père lors de cette cérémonie historique et émouvante.
